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Review : "La musique electroacoustique" (CD-ROM/Ina-GRM)



*Sons de la nature et des synthétiseurs*

_Le Monde_, Edition du mercredi 21 mars 2001


*La musique électroacoustique*

[Hyptique,
CD-ROM hybride,
249 francs (38 euros).]

Longtemps la musique savante contemporaine s'est tenue à l'abri du
public, cloîtrée dans deux institutions, le Groupe de recherche musicale
(GRM) et, plus tard, l'Ircam. L'édition d'un CD-ROM consacré à la
musique électroacoustique représente donc un premier pas vers un public
élargi. Pour cela, les auteurs ont choisi une triple approche de ce
monde sonore particulier : rappelons que la musique électroacoustique
vient d'un travail sur des sons prélevés dans la nature ou d'autres
produits par des synthétiseurs, et donc inédits jusqu'au jour du
concert.

Une histoire du GRM se dégage d'une suite d'extraits qui ont marqué son
évolution entre les premiers essais de Pierre Schaeffer en 1950 et
s'achève tout près de nous. La Symphonie pour un homme seul, 1950,
inaugure ainsi une suite d'extraits comme les Espaces inhabitables de
François Bayle, 1967, et permet d'entendre une évolution par ailleurs
expliquée avec les mots simples de musiciens soucieux d'être compris.
Les techniques qu'ils utilisent justifient un lexique bienvenu dès qu'on
a compris que les textes glissent sous le curseur et se révèlent bien
plus longs que ne le laisse croire leur apparition à l'écran.

Tout l'environnement sacrifie à l'élégance la plus raffinée, quitte à
perdre parfois en clarté. D'ailleurs la possibilité d'imprimer toutes
les notices se révèle fort utile, tant les caractères, certes très
beaux, sollicitent la vue la plus aiguë. Les auteurs ont sûrement
anticipé nombre d'appréhensions face à ce genre musical puisqu'ils
proposent un second chapitre, " Entendre ", qui permet de découvrir
certains extraits commentés par les compositeurs eux-mêmes. L'éditeur a,
pour l'occasion, développé un programme qui " radiographie " les
morceaux et permet de les voir sous forme de partitions colorées, avec
des jeux de formes qui permettent une distinction claire entre les sons.
Cette histoire semble tracée à l'écart de Boulez ou de Messiaen, qui ont
un temps croisé le GRM ; on regrettera aussi l'absence de compositeurs
étrangers dont l'?uvre appartient à la même esthétique.

Mais les auteurs ont sans doute préféré limiter les problèmes de droits
d'auteur, et maintenir une écoute seulement éclairée par les musiciens
eux-mêmes. Ce parti pris est confirmé par la troisième partie, intitulée
" Faire ", où l'écran se change en théâtre d'expérimentations qui nous
place cette fois aux commandes d'un appareillage simplifié (trop ?),
doté des principaux curseurs manipulés par les " électroacousticiens ".
Même si la place du hasard, par exemple, n'est pas assez explicite, même
si l'intelligence de l'objet musical reste encore relative, on entre
dans le programme comme à un concert habillé, pour en revenir convaincu
qu'une part de l'histoire des sensibilités s'est élaborée là.


P. Lo.